II. L’ENGAGEMENT ET LA RESPONSABILITÉ PARTICIPENT DE LA NOUVELLE DÉFINITION DE L’ENTREPRISE
A. L’ENGAGEMENT DE L’ENTREPRISE PAR L’INFORMATION
Depuis la loi sur les Nouvelles régulations économiques (NRE) de 2001 s’est progressivement construite une obligation de transparence pour les grandes entreprises par la communication d’informations au public sur l’impact social et environnemental de ses activités.
Cette obligation légale de déclaration a présenté le mérite d’introduire des réflexions sur la responsabilité sociale au sein d’entreprises encore peu sensibilisées au sujet, et d’amener celles qui conduisaient des actions dispersées à structurer leur démarche.
Elle porte cependant avec elle une complexité croissante , à laquelle les PME sont de plus en plus confrontées.
1. Les PME sont-elles concernées par la responsabilité sociétale de l’entreprise ?
A) LA RSE, UN RETOUR À LA JURISPRUDENCE DODD DE 1932…
La responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) présente plusieurs caractéristiques.
Elle a une origine éthique 107 ( * ) : l’entreprise a l’obligation morale d’agir dans le sens du bien commun et de trouver un équilibre entre la poursuite de ses intérêts privés et l’intérêt collectif. Les deux conceptions de l’entreprise (réalisation exclusive du profit ou responsabilité sociale) s’affrontaient déjà aux États-Unis dans les années 1930 dans la controverse opposant Adolf Berle et Edwin Merrick Dodd dans la Harvard Law Review au sujet des rapports entre l’entreprise et la santé humaine 108 ( * ) . Pour Dodd, l’entreprise n’existe pas dans le seul but de maximiser le profit des actionnaires mais une responsabilité sociale incombe à ses dirigeants 109 ( * ) . Puis, en 1953, Howard Bowen publie un ouvrage intitulé « La responsabilité sociale du businessman » dans lequel il explique pourquoi les entreprises ont intérêt à être plus responsable. Il donne la première définition « reconnue » de la RSE.
Elle mélange des normes spontanées des entreprises, non contraignantes, et du droit « dur », avec une montée en puissance des normes contraignantes . Ainsi, alors que la Commission européenne insistait, dans son approche initiale, de 2001 110 ( * ) , sur le caractère volontaire (la RSE est « un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes »), cette dimension a disparu en 2011 (la RSE est « la responsabilité des entreprises pour leurs impacts sur la société ») et l’accent est désormais mis sur le caractère contraignant : « pour assumer cette responsabilité, il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux » 111 ( * ) .
La RSE concerne davantage les grandes entreprises que les PME : le degré d’informations exigées croît avec la taille de l’entreprise (décret n°2017-1265 du 9 août 2017 112 ( * ) ) et la réglementation sur les informations à fournir ne concerne que les ETI et les grandes entreprises.
Le nouvel article L.225-102-1 du code de commerce dispose en effet que toutes les sociétés, qu’elles soient ou non admises sur un marché réglementé, doivent insérer une déclaration de performance extra-financière (DPEF) dans le rapport de gestion de l’entreprise dès lors qu’elles excèdent des seuils suivants :
1° Pour toute société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, la déclaration est obligatoire à partir de 20 millions d’euros pour le total du bilan ou de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, et de 500 salariés permanents employés au cours de l’exercice ;
2° Pour toute société dont les titres ne sont PAS admis aux négociations sur un marché réglementé, la déclaration est obligatoire à partir de 100 millions d’euros pour le total du bilan ou de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, et de 500 salariés permanents employés au cours de l’exercice.
Certaines en sont exemptées par leur statut comme les entreprises ayant le statut de société anonyme à responsabilité limitée (SARL) ou de sociétés par actions simplifiée (SAS), quand bien même elles répondraient aux seuils fixés par le décret. De même, les filiales françaises de sociétés dont la maison-mère a déjà produit ses informations de manière consolidée en sont exemptées.
La RSE prend une dimension climatique de plus en plus marquée , notamment en France sous l’influence de l’incitation de l’article 173 de la loi de 2015 de transition énergétique 113 ( * ) , mais également des investisseurs. « Le climat est désormais un sujet de conseil d’administration » , selon l’étude de l’ONG CDP 114 ( * ) ( Carbon Disclosure Project) , 98% des entreprises ont « placé les responsabilités relatives au changement climatique au niveau du conseil d’administration ou de la direction » et 90 % ont mis en place des incitations financières récompensant l’atteinte des objectifs climatiques de l’entreprise.